Le paradoxe des oignons

Le 28 février 2016, le peuple et les cantons suisses sont invités à se prononcer sur l’initiative populaire fédérale « Pas de spéculation sur les denrées alimentaires ».

Cette initiative demande que certaines opérations financières portant sur des produits agricoles soient interdites et que la Suisse s’engage au niveau international à lutter contre celles-ci.

Si l’objectif affiché de l’initiative, qui est d’améliorer l’approvisionnement en denrées alimentaires des populations des pays en développement et de lutter contre la pauvreté, est en soi noble, le moyen proposé est aussi inadéquat que dangereux.

On peut l’illustrer par un exemple.

Entrée en force en 1958, la législation américaine appelée « Onion Futures Act » interdit purement et simplement la négociation de contrats à terme sur les oignons. En comparant l’évolution du prix des oignons à celle du prix du pétrole sur la période 1970-2010, l’économiste français Guillaume Nicoulaud a démontré que l’écart-type des variations mensuelles de prix sur le marché hautement spéculatif du pétrole atteint 9,97%, alors que celui sur le marché protégé de la spéculation atteint 26,17%, soit près de trois fois plus.

En d’autres termes, l’interdiction des opérations spéculatives sur les produits agricoles pourrait s’avérer aussi inefficace que contreproductive. C’est ce que l’on appelle « le paradoxe des oignons ».

L’agriculture est une activité aussi vitale qu’imprévisible. En effet, même le plus prudent des agriculteurs est dans l’incapacité d’anticiper les caprices de la météo, les développements géopolitiques de son pays ou les changements dans les politiques agricoles. Or, ce sont ces paramètres-là qui agissent directement sur les prix.

Pour couvrir ou minimiser le plus possible les risques, des mécanismes boursiers ont été mis sur pied. Ils permettent de sécuriser les activités des agriculteurs, des négociants et des entreprises agroalimentaires. Ce sont ces mécanismes-là que l’initiative veut supprimer.

Or, en Suisse, c’est un secteur économique représentant environ 570 entreprises et 12’000 emplois, engendrant plusieurs millions de francs suisses en recettes fiscales, qui est concerné.

Cette initiative démagogique et sans fondement aurait donc surtout pour effet d’inciter de nombreuses entreprises à quitter la Suisse, ainsi qu’à supprimer des milliers d’emplois, et ce, sans avoir un quelconque impact sur la famine ou la pauvreté dans le monde.

Il convient donc de la rejeter.

 

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