De nouveaux moyens juridiques pour continuer de lutter contre la mendicité organisée à Genève

Article paru dans le Nouveau Genevois du 12 avril 2021

Une interdiction générale jugée excessive

Depuis 2007, la mendicité est interdite à Genève et réprimée juridiquement sous la forme d’une contravention cantonale. Depuis 2016, il en va de même dans le canton de Vaud, qui s’est inspiré de la loi pénale genevoise.

Le 19 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a constaté une violation par notre pays de l’article 8 CEDH, lequel garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, dans l’affaire Lacatus contre Suisse, en suite d’une application par notre canton de sa norme pénale en matière de mendicité.

Il ressort en substance de cet arrêt, d’une part, que ladite norme, en tant qu’elle interdit purement et simplement la pratique de la mendicité, s’avère excessive, et, d’autre part, que dans une société démocratique, l’acte qui consiste pour un individu à exprimer sa détresse en tendant la main ne saurait être réprimé par une peine privative de liberté de substitution au motif que l’auteur n’a pas payé l’amende à laquelle il a été condamné.

Il apparaît ainsi nécessaire d’adapter notre législation de manière à ce que nous puissions continuer de lutter contre la mendicité, plus particulièrement la mendicité organisée, qui est une forme reconnue de traite des êtres humains.

Mais pas de droit fondamental de mendier

La gauche genevoise s’est réjouie de cet arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, non contente d’avoir échoué, au début de la présente législature, à faire voter un projet de loi abrogeant l’interdit pénal de la mendicité à Genève (PL 12021), elle revient désormais à la charge avec un texte similaire, qui va jusqu’à demander une amnistie de toutes les sanctions prononcées à ce jour et à la rétrocession des amendes et frais déjà perçus (PL 12862).

Or, l’arrêt rendu à Strasbourg le 19 janvier 2021 n’a nullement pour effet de consacrer un quelconque droit fondamental de mendier. En effet, cette décision, prise dans un cas particulier, n’a aucunement pour effet d’imposer à l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe de reconnaître à tout un chacun le droit d’utiliser le domaine public pour pratiquer la mendicité, ni d’organiser la mendicité d’autrui, en particulier des personnes mineures ou dépendantes.

Il est dès lors parfaitement admissible pour une collectivité publique de continuer à lutter contre ce fléau, tout en précisant la portée de l’interdit pénal de la mendicité. Autrement dit, il existe assurément un juste milieu entre une interdiction générale de mendier et le laisser-aller total auquel la gauche voudrait nous amener.

Il est vrai que, dans d’autres cantons, il n’existe aucune norme pénale réprimant la mendicité. Tel est notamment le cas du canton de Berne. Toutefois, ce dernier, contrairement au canton de Genève, veille scrupuleusement à ce que les personnes mendiantes dépourvues de statut légal soient rendues attentives au fait que la mendicité ne constitue pas une activité économique pouvant justifier la présence sur le territoire de notre pays, et à ce que les mendiants récidivistes en soient expulsés conformément à la législation applicable en la matière.

À Genève, on peut toutefois sérieusement douter de la prédisposition de la gauche à vouloir compenser l’absence de toute répression de la mendicité par une application rigoureuse, correcte et juste de nos lois migratoires, lesquelles exigent que ceux qui n’ont aucune raison légitime de rester en Suisse quittent son territoire.

Une proposition d’interdiction plus ciblée

C’est pourquoi les députés PLR entendent adapter la législation cantonale en matière de mendicité, tout en tenant compte de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 19 janvier 2021.

En effet, il est parfaitement admissible que la pratique de la mendicité soit restreinte dans l’espace et que la mendicité organisée demeure purement et simplement interdite, en particulier lorsqu’elle est exercée en manipulant des personnes mineures ou dépendantes à cette fin.

Le PLR Vaud a déposé une motion en ce sens le 16 février 2021 (21_MOT_5). Le PLR Genève en a fait de même, en déposant un projet de modification de la loi pénale genevoise, libellé comme suit :

1 Sera puni de l’amende :
a) le mineur qui aura mendié ;
b) celui qui aura mendié en étant accompagné d’une ou plusieurs personnes mineures ou dépendantes ;
c) celui qui aura mendié en adoptant un comportement de nature à importuner le public ;
d) celui qui aura mendié :

  1. dans une rue, un quartier ou une zone ayant une vocation commerciale ou touristique prioritaire ;
  2. à l’intérieur ou aux abords d’un bâtiment administratif du canton, d’une commune ou d’une institution de droit public ;
  3. dans les transports publics ;
  4. à un arrêt de transports publics ou dans un rayon géographique de 50 mètres autour de celui-ci ;
  5. dans une gare ou sur un quai ferroviaire ;
  6. à l’Aéroport international de Genève ;
  7. dans un rayon géographique de 50 mètres autour d’un bâtiment bancaire ou postal, ou d’un distributeur d’argent en espèces.
    2 Par voie de règlement, le Conseil d’Etat peut étendre l’interdiction de la mendicité à d’autres emplacements et soumettre son exercice à d’autres conditions, notamment en ce qui concerne la durée et les modalités de l’usage accru du domaine public. La violation des dispositions ainsi édictées est punie en application du présent article.
    3 Celui qui aura organisé la mendicité d’autrui, notamment en lui assignant un emplacement, en lui imposant un horaire ou en mettant à sa disposition un moyen de transport sera, si son comportement n’est pas réprimé par le droit fédéral, puni d’une amende de CHF 2’000.- au moins.
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