Des conditions de détention dignes pour Genève

Depuis février 2014, le Tribunal fédéral a rendu différents arrêts par lesquels il a constaté que les conditions de détention à la prison de Champ-Dollon étaient symptomatiques d’un état grave et chronique de surpopulation carcérale et contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, lequel dispose que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

Cette situation engendre tant des conditions de détention indignes pour les personnes incarcérées que des conditions de travail particulièrement difficiles pour les employés de ladite prison, de sorte que nul ne s’aventurerait aujourd’hui à nier le constat posé par les juges fédéraux. Il est néanmoins opportun de s’interroger sur les causes de ce regrettable état de fait.

La prison de Champ-Dollon a été construite en 1977, à une époque où le canton de Genève comptait 342’734 habitants, soit environ 150’000 habitants de moins qu’aujourd’hui. Cette prison n’avait alors que 270 places (elle en a 370 depuis 2011).

En réalité, les justiciables actuellement détenus à la prison de Champ-Dollon dans les conditions de détention décriées sont des victimes de la politique pénitentiaire du milieu des années 2000, laquelle consistait à ne surtout pas planifier et à se contenter de colmater les brèches.

Ainsi, lors de son inauguration en 2008, la prison de la Brenaz ne comptait que 67 places, alors que celle de Champ-Dollon était déjà surpeuplée.

À l’époque, on se demandait d’ailleurs si le Conseil d’Etat, à majorité de gauche, n’avait pas choisi ce nombre de places au seul motif que le Grand Conseil comptait alors 12 députés PDC, 12 députés radicaux, 23 députés libéraux, 11 députés UDC et 9 députés MCG…

Il est dès lors réjouissant que, sous l’impulsion d’Isabel Rochat, puis de Pierre Maudet, le Conseil d’Etat ait commencé à se mobiliser pour offrir aux personnes incarcérées des conditions de détention dignes du canton qui porte le nom des plus importantes conventions en matière de droit international humanitaire.

La lutte contre la surpopulation carcérale passe inévitablement par l’adaptation de nos outils carcéraux aux réalités démographiques à long terme de notre canton, ce qui implique que le nombre de places de détention soit revu à la hausse grâce à la construction de la future prison des Dardelles et que la prison de Champ-Dollon soit rénovée.

Dès lors, on ne peut que s’étonner de voir certains partis politiques dénoncer les conditions de détention à Genève tout en s’insurgeant contre les prochains chantiers pénitentiaires qui attendent notre canton. Préfèreraient-ils que les délinquants et les criminels restent en liberté, voire qu’il restent impunis ?

(article paru dans la Tribune de Genève, juin 2016)

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