Toast à la Patrie du 30 décembre 2016

Monsieur le Président, mon Colonel,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités civiles, militaires, ecclésiastiques et universitaires,
Chers camarades officiers,
Chers amis Vieux-Grenadiers,
Chers frères de couleurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Ce n’est pas la première fois que je m’exprime ici à l’occasion de la Cérémonie de la Restauration, mais c’est toujours un honneur de le faire, que ce soit en tant que membre de la Société militaire, de la Société des Vieux-Grenadiers ou de la Section genevoise de la Société suisse des Vieux-Zofingiens.

J’aimerais donc commencer mon intervention par remercier le lieutenant-colonel EMG Vador de m’avoir sollicité pour vous proposer ce toast à la patrie.

Alors que nous sommes très proches de l’année 2017, je souhaiterais effectuer une rétrospective sélective de l’année 2016.

Je pourrais vous parler des trop nombreux conflits, guerres et attentats, ou encore des catastrophes d’origine naturelle ou humaine, qui ont tragiquement ôté la vie à des dizaines de milliers d’êtres humains partout dans le monde.

Je pourrais également vous parler du vote sur le Brexit ou de l’élection de Donald Trump à la Présidence des Etats-Unis d’Amérique, deux scrutins dont on ferait peut-être mieux de s’interroger quant à leurs motifs plutôt que de s’indigner sans cesse à propos de leur résultat.

Des performances des sportifs suisses à la Coupe d’Europe de football, aux Jeux Olympiques ou à l’occasion d’autres compétitions majeures, notamment de tennis, de gymnastique, de hippisme ou de ski, qui font probablement de la Suisse le plus petit des grandes nations du sport.

De l’introduction du nouveau billet de 50 francs ou de l’inauguration du tunnel de base du Gothard.

Du cuisant échec de la prétendue Société suisse d’utilité publique dans sa tentative aussi pathétique qu’illégitime et anti-démocratique de vouloir imposer à notre pays un soi-disant nouvel hymne national dont les paroles sont au patriotisme ce que le tofu est au goût.

De l’intervention remarquée de notre Président de la Confédération à l’occasion de la Journée des Malades, grâce à laquelle, enfin, les Français ont compris qu’il existe plusieurs régions linguistiques dans notre pays et les Anglophones ont cessé de confondre la Suisse avec la Suède ou le Swaziland.

Non, Mesdames et Messieurs, je ne vous parlerai guère de tout ceci, parce que les médias le font fort bien et savent d’ailleurs en tirer d’importants bénéfices.

Permettez-moi plutôt de vous présenter une image de la situation en ce qui concerne l’obligation de servir, qui a connu de nouveaux développements en 2016, et que les médias auraient sans doute pu davantage mettre en exergue que le quotidien insipide de certaines célébrités aussi écervelées que siliconées.

Alors qu’il commandait encore la brigade d’infanterie 2, le futur Commandant de Corps et chef de l’Armée Philippe Rebord avait déjà démontré que seulement un jeune en âge de servir sur cinq effectuait du service militaire.

Nous savons également que, selon les années, seulement la moitié ou deux tiers des citoyens déclarés aptes au service l’accomplissent effectivement. À mes yeux, il y aurait sérieusement matière à s’interroger quant à l’état de santé des jeunes de notre pays.

Nous savons en outre que pour effectuer du service civil, il faut au préalable avoir été déclaré apte au service militaire, et que depuis 2009, l’examen de conscience a été supprimé et remplacé par ce que l’on appelle la « preuve par l’acte ».

La preuve de quoi ? La preuve que l’on ne peut pas effectuer du service militaire pour de réels motifs de conscience ? Ou la preuve que l’on ne veut pas accomplir son service militaire pour des raisons de pur confort ou de simple commodité personnelles ?

Par quel acte ? Par le fait de faire un service civil certes plus long que le service militaire mais qui permet à celui qui l’effectue de rentrer à la maison tous les soirs et tous les week-ends ?

En l’espace de vingt ans, le nombre de conscrits qui sont passés au service civil a été multiplié par un facteur de six. Depuis 2009, chaque année, notre Armée perd entre 5’000 et 6’000 hommes.

Tout cela, parce qu’à un moment donné, les autorités fédérales ont jugé qu’il était plus important à court terme de faire des économies en supprimant la Commission d’admission au service civil plutôt que de planifier la pérennité des effectifs et donc la relève des cadres de notre armée à moyen ou long terme.

Certains parlementaires de différents partis ont tenté de restaurer l’examen de conscience ou de corriger cette situation déplorable, hélas en vain.

En effet, il leur a été expliqué que l’augmentation des effectifs du service civil était sans incidence sur les effectifs de l’armée. Or, les 5 à 6’000 hommes évoqués précédemment représentent l’équivalent d’une brigade, et l’Armée continue de manquer de spécialistes et de cadres de milice à tous les échelons.

Entre temps, le 22 septembre 2013, par une majorité populaire de 73 % et l’unanimité des cantons suisses, une initiative populaire tendant à abolir le service militaire obligatoire a été balayée.

De plus, l’article 1er de la loi fédérale sur le service civil prévoit sans ambiguïté que :
« Les personnes astreintes au service militaire qui ne peuvent concilier ce service avec leur conscience accomplissent sur demande un service civil de remplacement d’une durée supérieure au sens de la présente loi ».

Il est donc parfaitement clair qu’aucun citoyen de ce pays ne dispose d’un quelconque libre choix entre service militaire et service civil, mais malheureusement, dans les faits, c’est exactement ce qui est en train de ce passer, puisque celui qui ne veut pas effectuer de service militaire, même en l’absence de motifs de conscience, peut y échapper en effectuant une simple demande.

Nous nous trouvons donc dans une situation aussi insatisfaisante qu’hypocrite.

En juillet dernier, le Conseil fédéral a pris connaissance des propositions émises par le groupe de travail consacré au système de l’obligation de servir. Ce rapport identifie 4 modèles alternatifs au statu quo :

– le « statu quo plus », qui vise à améliorer l’équité en matière d’obligations militaires, à accroître la perméabilité entre les organisations d’intervention, à supprimer les inégalités de traitement, à contribuer à résoudre les problèmes de manque de personnel dans le secteur de la santé et à améliorer la situation financière du fonds de compensation des allocations pour perte de gain. Il s’agit du seul modèle qui puisse être mis en œuvre sans révision de la Constitution ;

– le modèle de l’obligation de servir dans la sécurité, qui fusionne le service civil et la protection civile en une nouvelle organisation de protection contre les catastrophes ;

– le modèle dit « norvégien », qui oblige les hommes et les femmes suisses à servir au sein de l’armée ou de la protection civile, ce qui augmente par deux le nombre de personnes astreintes ;

– le modèle de l’obligation générale de servir, qui consiste à introduire un service citoyen pour tous les hommes et toutes les femmes suisses, de même que pour les étrangers qui le souhaitent.

Ce rapport, qui en fin de compte ne retient que le « statu quo plus » et le modèle « norvégien » comme variantes, constituera probablement la base des prochains débats à propos de l’obligation de servir.

Il s’agira donc pour nous, en tant que citoyens de participer à ces discussions, et ce, quel que soit en définitive le modèle de conscription que nous souhaitons individuellement.

Il y va de notre capacité à accomplir les missions constitutionnelles dévolues à l’Armée suisse et donc, de la sécurité de notre pays, à une époque où, plus que jamais, nous devons nous rendre compte de la chance que nous avons.

J’aimerais vous souhaiter à tous, ainsi qu’à vos familles et vos proches, une année 2017 couronnée de bonheur et de santé. Qu’elle nous apporte, lorsque nous prenons connaissance des nouvelles dans le monde, davantage de sourires et d’espoir, et moins de colère, de tristesse et de consternation.
Vive Genève, vive la Suisse, vive la SMG !

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