Droit de résistance à l’oppression : « Ici, c’est Genève ! »

On a appris en mars dernier que la Commission thématique n° 1 « Les droits fondamentaux » de l’Assemblée constituante genevoise a décidé d’inscrire dans la future Constitution cantonale un « droit de résistance à l’oppression ». Certains y voient le fondement de la légitimité d’éventuelles révolutions à venir. D’autres estiment qu’il ne s’agit que d’un droit de désobéissance civile lorsque les organes de l’Etat se comportent en violation des droits fondamentaux de manière grave et permanente. En tout état de cause, cette décision est de loin l’une des plus absurdes qu’une commission thématique ait pu prendre à ce jour.

Pour reprendre une formule d’actualité sportive suisse, « Ici, c’est Genève » ! Nous ne sommes ni à Cuba, ni en Iran, ni en Corée du Nord. Les auteurs de cette proposition plus que farfelue, laquelle décrédibilise la Constituante et pourrait contribuer à mettre en péril le succès du processus de révision totale, estiment que l’inscription de ce « droit » dans la future Constitution cantonale est également une manière d’exprimer de la solidarité envers les peuples opprimés. Ce « droit » n’existe dans aucune constitution cantonale, pas plus qu’elle ne figure dans la Constitution fédérale, la Convention européenne des droits de l’Homme ou le Pacte relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies. On peut sérieusement se demander si véritablement les peuples opprimés de ce monde ont besoin de ce type de solidaritéS…

Le propre d’une révolution, c’est précisément d’intervenir dans le but de changer de régime et ce, sans aucun égard pour le droit en vigueur. Au contraire, c’est souvent en violation du droit et de l’ordre établi que les révolutions ont été menées à terme. James Fazy n’a invoqué aucun droit pour justifier la révolution radicale du 7 octobre 1846. Il l’a lancée par conviction, en homme libre, et non pas sous autorisation. En d’autres termes, s’il existe bien un droit qui n’a pas à être inscrit dans un quelconque texte constitutionnel ou légal, c’est ce « droit »-là.

Par ailleurs, le fait de se sentir opprimé n’est-il pas subjectif ? N’est-il pas à craindre que les casseurs qui systématiquement s’invitent à des fins violentes dans des manifestations pacifiques justifient leur action par l’oppression qu’ils ressentent de vivre dans un système capitaliste ? N’est-il pas à craindre que les extrémistes de tous bords invoquent ce « droit » pour justifier la commission d’infractions contre la vie et l’intégrité corporelle de tiers, qu’ils soient ou non des organes de l’Etat ?

Sans doute, certains commissaires y ont vu une similitude pertinente en apparence avec l’article 80 alinéa 2 du Règlement de service de l’Armée suisse, lequel dispose que : « Les subordonnés n’exécutent pas un ordre lorsqu’ils reconnaissent que celui-ci leur impose un comportement réprimé par la loi ou le droit des gens en temps de guerre. S’ils collaborent néanmoins sciemment à une telle action, ils devront en répondre ». Dès lors, la résistance à l’oppression ne constitue-t-elle pas plutôt un devoir moral de tout un chacun ?

Enfin, l’inscription de ce « droit » au libellé à consonance castro-guevariste est contraire à la conception historique des libertés. Ces dernières ont précisément pour vocation de protéger l’individu face aux abus des autorités. Ce « droit » remet gravement en cause le principe même de l’Etat de droit, et donc, la portée de notre Contrat social. Il conviendra dès lors de corriger cette décision en plénière dès ce printemps. Et si néanmoins ce droit de résistance à l’oppression devait passer la rampe, il faudra en faire pleinement usage face à l’oppression que l’on est en droit de ressentir face à tant d’absurdité !

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